Fondateur de l’Institut Français de Shiatsu, conférencier et auteur à succès estampillé « médecines douces », Michel Odoul nous interpelle dans Aux Sources de la maladie sur le développement troublant des maladies malgré les progrès des sciences. Fort de son expérience des médecines énergétiques, il pose sur les racines de la maladie un regard qui dépasse la vision conventionnelle consistant à accuser systématiquement les microbes et la pollution. Il nous propose d’aller au-delà de la question environnementale pour l’élargir à une écologie comportementale, où chaque acte et chaque pensée ont des conséquences concrètes et visibles à court terme sur soi, et sur ce et ceux qui nous entourent. Il fait le constat alarmant que notre façon de penser le monde ainsi que nos comportements blessent nos corps et nos âmes, construisant en nous le terrain propice à la maladie. « Ce livre est un cri, dit-il. C’est un cri pour la vie et vers la vie. » Un cri que l’auteur partage ici avec nous. Après avoir pris le temps de goûter ensemble à la lumière automnale qui baigne son bureau immaculé de la rue Monge (Paris), siège de l’Institut Français de Shiatsu, Michel Odoul entre dans le vif du sujet. Et pour être vif, il est vif ! Un entretien sans concession qui nous convie à un « sursaut d’humanité ».
Le titre de votre ouvrage évoque des sources plurielles à la maladie. Quelles sont-elles ?
Elles sont multifactorielles : physiques, psychiques, environnementales. Donc internes et externes. La maladie est la conséquence et en même temps la manifestation d’une fragilisation du terrain physique et psychique. Les modes de vie actuels, la pollution, les stress, les conflits psychiques, etc. participent à cette fragilisation et finissent par dégrader ce corps qui n’a d’autre issue que la maladie pour exprimer et évacuer. Mais si on élargit l’analyse et que l’on remonte aux origines profondes de la maladie, il faut prendre en compte notre rapport désastreux au vivant – à l’humain, aux animaux, aux plantes…
Vous dénoncez à ce sujet « les temps barbares » que nous traversons…
Cette terminologie peut paraître excessive, voire erronée. Elle est cependant on ne peut plus exacte…même si elle n’est pas consensuelle : la barbarie se définit en effet comme une attitude « cruelle, féroce, manquant de civilisation et d’humanité ». Si la violence de nos sociétés modernes peut se révéler physique (on le vérifie chaque jour dans les actualités), elle est cependant, surtout dans nos pays sécurisés et nantis, de nature psychologique. La négation de l’invisible, le caractère marchand de tous les actes et la transformation du « sujet » en « objet » rendent la vie violente et parfois même insupportable, par manque d’issue et de sens. De cette désespérance naît le terrain propice à la maladie.
Cette « chosification » du vivant atteint son paroxysme, soulignez-vous, dans le traitement infligé aux animaux d’élevage, aux plantes : pensez-vous que nous puissions être malades en retour de ce que nous leur infligeons ?
Vous soulevez là un point crucial. Plantes et bêtes ne sont plus que des machines à fabriquer de la matière nutritionnelle, traitées avec une inhumanité, un irrespect et une violence sans nom ; nous connaissons tous ces images d’animaux enfermés dans des cages juste assez larges pour qu’ils puissent respirer ou ces poules à qui on a dû couper le bec pour éviter qu’elles ne s’entretuent, sans oublier les images d’abattage à la chaîne… Il n’y a pas si longtemps encore les paysans étaient des éleveurs et cette notion d’« élever » est fondamentale. Aujourd’hui on produit, on est un « producteur » (de volaille, de bovin…). Les incidences de cette violence sur notre corps et notre âme sont plurielles. D’une part, il y a les effets pondérables (matériels, mesurables) qui proviennent de la façon dont notre alimentation est dopée, forcée, médicamentée ; alimentation que nous ingurgitons… Mais à un niveau plus subtil, informationnel, alors que les animaux sont maltraités, que les plantes poussent hors-sol, que les poissons d’élevage meurent par asphyxie, on peut honnêtement se poser la question de ce qu’ils nous restituent comme mémoire…
Sur cette possible « transmission invisible », vous relatez une expérience révélatrice, réalisée aux États-Unis dans les années 1960…
Cette expérience du Pr James V. McConnell sur le « transfert de la mémoire » nous permet d’envisager de quelle façon et à quel point les animaux ne sont peut-être pas que des corps… Ce chercheur voulait vérifier la croyance de certaines tribus cannibales pour qui nous devenons en quelque sorte ce que nous mangeons : ainsi, celui qui mange le cerveau d’un sage assimilerait sa sagesse. Le but était de vérifier si ces principes empiriques et traditionnels recelaient une part de vérité. Pour son expérience, il choisit des vers planaires, ayant un comportement « cannibale » (ils mangent leurs congénères morts) et une ébauche de système nerveux (sensibles à des stimuli comme la lumière ou la douleur). Il les sépara en deux boîtes à fond métallique, le fond de boîte A étant relié électriquement, placées sous une lampe de bureau. Ainsi, lorsqu’il allume les lampes au-dessus des deux boîtes, la connexion à la boîte A envoie une légère décharge électrique aux vers placés dans cette boîte, qui se recroquevillent de douleur. Les vers de la boîte B perçoivent la lumière, mais ne reçoivent aucun courant, donc ne ressentent aucune douleur et ne se recroquevillent pas. Après répétitions, les vers de la boîte A sont conditionnés (réflexe de Pavlov) : à chaque fois que la lumière s’allume, ils se recroquevillent, même sans recevoir de décharge (lumière = douleur). Le Pr James V. McConnell tua alors les vers de la boîte A et les donna à manger à ceux de la boîte B.
On peut deviner la suite….
Effectivement, l’incroyable se produisit : après le temps nécessaire à l’assimilation de leurs congénères morts, la majorité des vers de la boîte B se mirent à se recroqueviller lorsqu’on allumait simplement la lumière au-dessus de leur boîte. Un message non pondéral (non matérialisable, non mesurable), une mémoire avait été transmise ! Aussi, quel message et quelles mémoires absorbons-nous en mangeant tous ces animaux dont l’élevage n’a été pour la plupart que torture ?…
Pour changer la donne, il faudrait déjà que nous sortions d’une vision anthropocentrique, déconnectée de la nature dont nous faisons pourtant partie…
Toutes les traditions du monde, notamment animistes, nous démontrent que dans le vivant, il n’y a pas que l’humain qui soit une manifestation élevée ! Au Japon, pour ne donner qu’un exemple, les kamis, divinités ou esprits, s’attachent aux animaux, au riz, aux montagnes sacrées, aux sources, etc. Toute chose est respectée. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui refusent cette part d’invisible.
Dans la chaîne alimentaire, le vivant s’est toujours nourri du vivant, animaux ou plantes… Comment pouvons-nous y apporter plus de sens et de conscience ?
La première piste d’action réside dans nos choix de consommation : nous devons être davantage que des « pousseurs de chariots », pour reprendre l’expression de Christian Jacquiau¹. Il est essentiel, par exemple, de choisir des aliments qui ont été traités avec respect : je vous rappelle qu’il n’y a pas si longtemps les éleveurs donnaient un petit nom à leur vache ! Aujourd’hui, il y a des producteurs qui font très bien leur travail et qui ne sont pas forcément estampillés « bio ». Il faut prendre le temps de choisir, de lire les étiquettes. Je sais, cela demande un certain effort… Et il nous arrive tous de commettre des erreurs par méconnaissance, par manque de moyens, par manque de temps. La responsabilité (à différencier de la culpabilité), c’est de savoir en son âme et conscience que l’on fait ce que l’on peut avec les moyens que l’on a.
À cela vous ajoutez une dimension importante : celle du rituel…
Absolument. Il s’agit de marquer symboliquement un temps d’arrêt. Nos traditions, comme celles de tous les peuples de par le monde, avaient inscrit dans leurs codes comportementaux des « protocoles », des moments codifiés, destinés à contrebalancer ce que la mort de l’animal ou de la plante avait pu dégrader dans les plans subtils. Les Amérindiens fêtaient le cerf ou le bison tués pour le « remercier ». Dans notre culture judéo-chrétienne, nous pratiquions le bénédicité pour rendre grâce à Dieu pour cette nourriture qui allait perpétuer la vie en nous. Ces actes traditionnels nous obligeaient à nous arrêter quelques instants devant le repas à venir. Ce temps de recueillement essentiel restaurait par l’énergie intentionnelle émise et la focalisation de la conscience et de la « grâce ainsi rendue », une valeur, une qualité, une fréquence vibratoire à tous ces mets qui allaient nous nourrir et que l’abattage (ou la récolte) avait pu dégrader. Or, il est dans les moyens de chacun d’éprouver de la gratitude et du respect pour notre « nourriture » ; j’insiste sur ce mot.
Ce recul permet d’être pleinement présent à ce que l’on fait…
Oui, et c’est d’autant plus important qu’aujourd’hui nos pathologies sont la signature du morcellement de notre conscience. Nous sommes dispersés, nous faisons constamment plusieurs choses à la fois : nous téléphonons, nous écrivons des messages, nous mangeons, tout en conduisant ! Nous sommes rarement complètement présents à ce que nous faisons. Or, cette pleine conscience est ce qui porte l’unité de l’être. Dès lors, si la conscience se morcelle, l’unité cellulaire est aussi rompue. Prenons le cas du cancer : les cellules deviennent anarchiques, constituent une vie propre entre elles et prolifèrent. Les allergies, aussi, sont la signature de ce morcellement : le système immunitaire ne sait plus où « donner de la tête » ni quoi défendre, il y a alors une surexcitation et notre organisme se défend contre des agresseurs qui n’en sont pas…
Quelles sont les clés essentielles pour (re)découvrir « ce qui peut, en nous, avoir le pouvoir de nous guérir », pour reprendre vos mots ?
C’est un cheminement. L’enjeu est de comprendre et de s’approprier les sources de sa souffrance. Schématiquement, il s’agit de connaître les processus qui conduisent à la souffrance, d’appréhender les origines profondes de la maladie, de découvrir les mécanismes qui se mettent en route et de comprendre pourquoi ils le font. Enfin, il s’agit d’accepter la part de responsabilité qui nous incombe : les comportements qui ont pu conduire à l’apparition de la maladie.
Vous insistez à ce propos sur la différence à faire entre responsabilité agissante et culpabilité mortifère…
Se réapproprier la responsabilité permet en effet au malade de ne plus être une victime mais un acteur de ce qui se joue en lui. Ainsi, intègre-t-il au plus profond de lui que son corps qui souffre cherche à le soigner, mais que seule son âme, à travers une essentielle acceptation du sens, peut le guérir. Une fois qu’on devient en capacité de donner un sens à ce que la maladie est en train de nous dire et à partir du moment où ce sens est accepté, on peut mettre en place les changements nécessaires. Dès lors, la maladie n’aura plus besoin de se manifester. Dans ce cheminement, il y a nécessité selon les cas de se faire accompagner dans une optique intégrative, en faisant appel à diverses approches et divers thérapeutes.
Comprendre et accepter le sens ne suffit pas selon vous ?
Je m’élève contre la pensée magique où donner le sens serait en quelque sorte un substitut au médicament. Appréhender le sens « reverticalise » l’individu. Symboliquement, cela le remet debout. Le malade n’est-il pas en effet « à l’horizontale » : couché, passif, à la merci de la maladie, du médecin… ? Dans l’accompagnement de la maladie, je suis contre l’infantilisation, d’où qu’elle vienne. Reprendre la main, se réapproprier ce qui se passe implique de redevenir pleinement acteur de sa vie. Pour cela, il faut mettre la main à la pâte !
Ce qui n’est pas si évident que ça dans notre société du moindre effort et du résultat immédiat…
C’est sûr, il est tellement plus simple de ne rien remettre en question dans nos comportements !! Le médecin aura bien une molécule chimique qui permettra de faire taire les symptômes et de ne plus ressentir les dégâts que nous avons produits… C’est formidable, non ?!
Ce problème de déresponsabilisation dépasse le cadre de la maladie, pointez-vous dans ce livre…
Nous sommes dans le pacte faustien. Le progrès scientifique nous a habitué à la facilité. Je ne prône pas pour autant un retour au temps des cavernes : le progrès technologique est extraordinaire, le problème est l’usage que nous en faisons. L’équilibre réside dans un progrès pondéré avec une meilleure conscience. Le revers actuel, c’est que dans tous les domaines de notre vie nous avons tendance à refuser la contrainte (de la vie, de la nature, de la matière, du quotidien) et nous sommes en quête de ce qu’il y a de plus facile, de plus immédiat.
Voulez-vous dire que pour progresser, il faut « mouiller sa chemise » ?
Prenons la métaphore du sport: pour évoluer, il faut accepter que l’activité physique fatigue, donne des courbatures… Attention, loin de moi l’idée de faire l’apologie de la souffrance ! Grandir est différent de souffrir. Mais l’humanité est une tension vers laquelle il faut aller ; ce n’est jamais un dû, cela se conquiert. Le propre de la condition humaine est que cette traction vers le haut, cette élévation, nécessite un certain effort. Il est essentiel à ce niveau de ne pas dissocier la conscience spirituelle de l’écologie humaine : en tant que genre humain nous ne sommes pas une finalité, nous faisons partie d’un Tout. Nous « participons à ». En ce sens, nous avons une responsabilité majeure.
Quels outils peuvent nous aider à cette élévation ?
Tous ceux qui nous permettent de nous verticaliser et d’ensemencer le quotidien : la méditation, la prière, le yoga, le tai chi chuan, la calligraphie, le chant grégorien, etcetera. À chacun de trouver son outil ressource. Marquer un « stop » dans le rythme fou de nos vies permet l’ancrage. Cela ouvre une parenthèse de silence, nous rendant disponibles et aptes à laisser entrer le calme, la lumière et l’inspiration. Nous pratiquons bien du sport pour nous entretenir physiquement ; il paraît normal d’avoir une hygiène intérieure au niveau de nos pensées, de nos manières de traverser la vie et les événements. De choisir notre nourriture intérieure, tout autant que nos aliments.
Comment passer activement de l’écologie individuelle à l’écologie planétaire ?
L’idée maitresse est qu’il ne faut pas vouloir changer l’autre, ni attendre qu’il bouge pour agir. Nous sommes tous coacteurs et coresponsables : si je me comporte différemment, je vais obligatoirement avoir une action sur le monde. J’en reviens à ce que je disais auparavant : la clé est de se verticaliser soi. Être dans une soumission vertueuse ne suffit pas ; j’en veux pour preuve le spectacle du « charity business », par lequel on cherche collectivement à s’absoudre… Pour que notre participation et notre action aient un impact réel, il faut aussi aller voir notre part d’ombre : nos incohérences, nos faiblesses, nos petites compromissions quotidiennes. Ce n’est pas nécessairement confortable ! Loin d’une vision « edeniste » ou moralisatrice, il s’agit de reconnaître la part que l’on prend au chaos. « La gloire de l’homme n’est pas de ne jamais tomber, mais de se relever à chaque fois que l’on tombe », a dit Confucius… Nos prises de conscience sont essentielles pour avancer.Cette cohérence est particulièrement importante dans l’éducation… Tout le monde le sait : pour éduquer un enfant, l’important n’est pas ce qu’on lui apprend, mais ce qu’on lui montre ! Nos manques de cohérence sont particulièrement flagrants dans l’éducation. Comment, par exemple, se concevoir parents responsables quand on emmène son enfant au restaurant jusqu’à minuit ? Dans ce domaine de l’existence, nous sommes également de plus en plus dans la recherche du plaisir et de la contrainte 0. Il est de la responsabilité de chacun – parents, enseignants, référents – de ne pas abdiquer. Ce n’est pas à la société d’éduquer les enfants ; elle est censée être là pour leur offrir un cadre dans lequel s’épanouir.
Concrètement, comment pouvons-nous agir pour prendre soin de nous, tout autant que du monde ?
Il faut être réalistes ; nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne. Quand votre travail tient de la survie et vous happe, il n’est pas simple de lever le nez du guidon… À chacun de prendre sa part dans le champ où il est le plus apte à le faire : trier ses déchets, opter pour une consommation responsable, acheter des aliments bio, cultiver son potager, aller vers les médecines naturelles, se lancer dans l’éco-construction, se ressourcer régulièrement, choisir ses sources d’informations et de culture, donner du temps autour de soi, etc. Pour paraphraser André Gide, il appartient à chacun de «suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant». Ainsi, redonne-t-on de la qualité à sa présence, à sa réalité physique. Le respect du vivant commence par le respect de soi. Dans cette optique, cumuler les actes positifs est plus constructif que d’attendre de tout changer en une fois. Je suis davantage pour l’évolution que pour la révolution, qui met un place un nouvel ordre, aussi coercitif que les précédents.
Tout votre livre est une exhortation à nous réconcilier avec notre noblesse…
C’est une invitation à nous « re-diviniser ». Renouer avec notre vraie puissance (qui n’a rien à voir avec une vision de la toute-puissance qui enferme et fait de nous les « maîtres de la matière ») nous permet de nous reconnecter avec notre capacité à accueillir la Vie sans limites. De la laisser totalement s’exprimer. Je vous accorde que parfois cela fait peur ; ne sommes-nous pas dans une société de terrorisés ? Qui sait, ça risque de marcher… ?! (Rire)
Propos recueillis par Carine Anselme
1. « Les Coulisses de la grande distribution », Albin Michel (2000)
À lire : «Aux sources de la maladie, de l’écologie individuelle à l’écologie planétaire», Michel Odoul (Albin Michel, 2011). Pour prolonger cette réflexion, nous vous invitons aussi à lire le nouvel ouvrage de Michel Odoul qui vient de sortir : «L’animal en nous, De Darwin à Platon Petit Traité d’ethno-éthologie pratique» (Albin Michel, 2011).


Rencontre avec François Dagognet : Chasser le naturel, maîtriser le vivant

Propos recueillis par Catherine Halpern

Mis à jour le 15/06/2011
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Parce que la nature n’est selon lui qu’un mythe, François Dagognet défend une éthique débarrassée des préjugés technophobes et tournée vers la satisfaction des désirs et des besoins humains.
Difficile d’appréhender l’œuvre multiforme de François Dagognet, qui prend aussi bien pour objet la biologie, la géographie, la chimie, le droit, l’État, l’art, la morale… Pas très sérieux, diront certains. Contre ceux-là, F. Dagognet revendique le droit d’embrasser le réel, tout le réel : « Nous ne voyons pas le philosophe à la manière d’un mineur qui doit forer le sol, mais plutôt comme un voyageur qui se soucie de l’ensemble du paysage » (Une nouvelle morale). Élargir les perspectives plutôt que creuser. Son travail témoigne de son insatiable curiosité et de son enthousiasme toujours renouvelé pour le réel sous toutes ses formes.
Contrairement à une tradition philosophique tenace qui depuis Platon valorise le spirituel, F. Dagognet montre un intérêt tout particulier pour la matérialité : les objets, les matériaux, les constructions, les corps… Il se définit comme « mat& [ lire la suite... ]
Article de 4459 mots.






http://www.ecole-nicolas-hulot.org/ecole/projet/projet.php

Une Ecole pas comme les autres
 A la découverte de la biodiversité
Cette Ecole se distingue par :
 sa localisation dans une région exceptionnellement riche en espaces naturels d'un grand intérêt écologique ;
 son implantation en lisière du Parc de Branféré, parc animalier de qualité et d'expériences en matière de loisirs éducatifs ;
 son bâtiment HQE (Haute Qualité Environnementale) en cohérence avec sa vocation ;
 sa mission dédiée à la protection du vivant ;
 le partenariat mis en ?uvre pour sa réalisation entre organismes privés, publics, fondations et collectivités.
Une mission : respecter le vivant
Une école pour la Nature et l'Homme
"Il n'y a pas d'un côté l'homme et de l'autre la nature. Il y a la nature. Toucher à la nature, c'est atteindre l'homme. Respecter la nature est une attitude parfaitement humaniste." Nicolas Hulot, Fondateur de la FNH.
Pour que les enfants puissent devenir des citoyens pleinement responsables et acteurs de leur environnement, il est nécessaire de leur transmettre les clés pour mieux comprendre le monde vivant qui les entoure. De la connaissance et de l'apprentissage naîtra un meilleur respect pour la nature dans toute sa diversité.
Cette école doit être un centre de sensibilisation, d'éducation, de formation et d'information sur la biodiversité dans une perspective de développement durable. Elle a ouvert ses portes en 2004.

Le cadre d'application de la mission
Découvrir, apprendre à connaître et à protéger le vivant
L'École est conçue pour favoriser l'ouverture des enfants, des jeunes et des adultes sur le monde du vivant qui les entoure, dans toute sa diversité. Des activités pédagogiques et des animations originales, alternant découverte, expérimentation et réalisation, sont principalement menées sur le Parc de Branféré. Elles favorisent, dès le plus jeune âge, une prise de conscience des liens d'interdépendances entre les êtres vivants.L'École accueille en priorité les enfants du cycle 3 (CE2, CM1, CM2) dans le cadre de classes d'environnement. Grâce à des espaces modulables, elle est aussi adaptée pour recevoir d'autres publics : élèves plus âgés, étudiants, stagiaires, adultes en groupes ou en famille. Ses aménagements permettent l'hébergement des personnes handicapées.
Une large place est consacrée aux technologies de l'information et de la communication (TIC) pour une plus grande ouverture de l'École sur le monde.
Grâce à l'utilisation d'outils pédagogiques interactifs modernes, l'École a pour objectif de devenir un centre pédagogique ainsi qu'un centre de ressources dans le domaine de l'environnement. La médiathèque-didacthèque, mise en place grâce aux dons d'ouvrages, de cédéroms, de vidéos… viendra progressivement compléter la salle multimédia.
La programmation pédagogique détaillée et la liste des prestations offertes sont mises au point entre les partenaires-fondateurs, avec l'appui du Réseau École & Nature et en partenariat avec le ministère de l'Éducation nationale.


http://www.demeter.fr/content/respect-du-vivant

RESPECT DU VIVANT

Le respect de la vie a-t-il encore un sens aujourd’hui ?
L’agriculture biodynamique attache une grande importance au respect et au renforcement des processus de vie : germination, croissance, maturité. C’est à ce titre que les agriculteurs en biodynamie utilisent chaque année despréparations à base de bouse de vache ou de quartz pour stimuler la vie des sols, la croissance et la santé des plantes. Ainsi, elles poussent en harmonie avec leur propre nature et les aliments en sont d’autant plus savoureux. 
Pourquoi produire des tomates en plein hiver, alors qu’elles sont si goûteuses en plein été ?
En prenant en compte une dimension plus vaste de ce qu’est le vivant, l’agriculture biodynamique permet d’améliorer la fertilité des sols en agissant sur les processus d’assimilation des minéraux ou en favorisant la présence de vers de terre et de micro-organismes. Cet équilibre de la vie du sol induit un développement harmonieux des végétaux, qui y poussent sans appauvrir les sols. Et tout cela pour le bienfait du consommateur qui trouve ensuite desaliments remplis de vie.
Pour toutes ces raisons, l’agriculture biodynamique s’oppose au brevetage du vivant ainsi qu’à l’utilisation d’OGM (organismes génétiquement modifiés). Ces pratiques entrainent l’agriculture dans l’enrichissement de quelques-uns face à l’appauvrissement d’une multitude de paysans à travers le monde. Ce sont tous les consommateurs qui devront en subir les conséquences.

http://www.fermedubec.com/philosophie.aspx


NOTRE PHILOSOPHIE

Le projet initial, en 2007…

La Ferme du Bec Hellouin est d’abord une histoire d’amour avec la Nature. Nous l’avons créée en 2004, pour notre famille, dans l’intention de nourrir nos enfants avec des plantes saines, du travail de nos mains. Au fil des ans, l’aventure nous a entraînés bien plus loin que nous ne l’imaginions : après les moutons, les poneys et la basse-cour, nous avons accueilli un premier cheval de trait, puis un second ; le potager créé devant la maison est vite devenu trop petit et nous avons mis en culture une autre parcelle, de l’autre côté de la rivière... La Ferme nous prenait de plus en plus de temps, c’était passionnant et, comme un plaisir partagé est toujours plus intense, nous avons décidé de devenir agriculteurs professionnels, en ouvrant notre exploitation aux visiteurs (depuis juillet 2007), tout en conservant une activité annexe d’écrivains et de thérapeutes que nous avons dû arrêter lorsque la ferme a pris de l’essor.
Nous avons connu des univers bien différents avant de devenir agriculteurs. Perrine a découvert très jeune le monde des sportifs de haut niveau, avant de devenir une brillante «business women», en charge du service juridique d’une entreprise en Asie. Mais cela ne la satisfaisait pas du tout et, à 30 ans, elle a renoncé à cette carrière dorée pour venir à ce qui lui correspond vraiment. Sans renier pour autant ces expériences. Son premier livre «La relaxation en famille» apporte des conseils à tous ceux et celles qui ne peuvent se permettre de vivre, comme nous, un retour à la terre !
Charles est depuis longtemps engagé dans la protection de l’environnement. Il a sillonné le monde à bord de son voilier école Fleur de Lampaul pendant deux décennies et partagé la vie de nombreux peuples autochtones : Indiens d’Amazonie, Aborigènes, Papous, tribus africaines…, sur lesquels il a réalisé une soixantaine de documentaires et écrit de nombreux livres. Son roman «La femme feuille» est une synthèse des enseignements reçus en partageant la vie de ces peuples. Ces expériences de vie en accord intime avec la nature l’ont beaucoup marqué et la Ferme du Bec Hellouin en est le fruit direct. L’esprit des Amérindiens souffle dans notre verte vallée, du moins nous l’espérons !
Le choix de l’Agriculture Biologique est pour nous essentiel. Notre conviction est que ce mode d’agriculture peut (et doit, à moyen terme), nourrir l’humanité. Nous désirons faire ce que nous pouvons, à notre modeste niveau, pour faire connaître ses techniques, conscients des répercussions de nos choix à l’échelle de la planète. Ce lien entre le local et le global nous parle très fort, et souvent nous nous interrogeons : «Comment diminuer notre empreinte écologique ? Comment mettre nos vies en cohérence avec nos aspirations ?»
Notre vision de l’être humain est globale et nous essayons de ne pas dissocier ses différentes dimensions : le corps, la sphère affective et émotionnelle, l’intellect, le spirituel… Le corps est le support physique de notre vie ; pour que notre être soit harmonieux, nous devons en prendre soin, le maintenir en aussi bonne santé que possible… et la base de la santé, c’est l’alimentation ! Nous sommes ce que nous mangeons ! Voilà pourquoi proposer à nos clients des aliments sains, exempts de toute pollution, produits avec respect et - osons le dire, avec amour - est pour nous un acte essentiel, sacré.
La fonction d’une ferme est de produire des aliments, de la meilleure qualité possible, mais pourquoi se limiter à cela ? Une ferme c’est aussi, pour nombre d’entre nous, un rêve d’enfant. La nôtre est le fruit de l’alliance nouée entre notre famille et le bout de terre que nous travaillons de nos mains. Nous nous sentons les gardiens de ce morceau de vallée qui nous est confié pour un temps, et travaillons dur pour qu’il devienne un lieu de beauté et d’harmonie, afin que tous les sens soient nourris. Un lieu d’épanouissement où les animaux, et même les plantes, doivent être aussi heureux que possible ! S’ils le sont, nul doute que les humains qui s’en nourrissent seront en meilleure santé !
La Ferme du Bec Hellouin se veut ouverte et conviviale, flirtant à l’occasion avec le monde des arts et de la culture. Nous avons également la conviction qu’une ferme – une vraie ferme «paysanne», au sens noble du terme - peut devenir un lieu privilégié d’apaisement, de connexion à l’essentiel, de spiritualité même car le travail de la terre est éminemment sacré. Pour nous, vivre dans une vallée où des hommes prient depuis mille ans, entourés de deux communautés religieuses, a beaucoup de sens. Nous pensons souvent aux moines qui ont travaillé cette terre avant nous.
Nous n’oublions pas notre autre métier, thérapeutes psycho-corporels, et souhaitons partager notre passion pour la santé au naturel, transmettre des informations pour aider ceux qui le souhaitent à se rapprocher de leur nature essentielle. Nous vivons une époque de grand divorce entre l’Homme et la Nature et cela génère beaucoup de souffrance, de mal-être. Quand on s’éloigne de la Nature, on se coupe de son être profond, de ses besoins vitaux. Les progrès galopants de l’obésité et des cancers, par exemple, nous le rappellent.
Nous oublions les choses les plus simples et les plus importantes : bien respirer, se nourrir correctement… Les fruits et légumes que nous produisons sont sources de vitamines et d’éléments vitaux importants, riches souvent de principes médicinaux… Ce sont des alicaments !
Ces lignes pourront sembler trop idylliques… Elles décrivent notre idéal. Les choses vont se mettre en place au fil des ans. Au quotidien, créer une ferme bio est une aventure sacrément difficile : le travail est énorme, la dimension économique pas évidente du tout à gérer lorsque l’on privilégie la qualité à la quantité… Cette aventure exigeante est un investissement de toute la famille, elle demande beaucoup, mais donne plus encore. Nous sommes confiants, et la meilleure de nos récompenses, ce sont les sourires qui éclairent les visages de nos visiteurs !

Et la réalité cinq ans plus tard, fin 2011 ?

Au moment d’actualiser notre site, je relis le texte précédent et n’y vois pas une ligne à retrancher. Nous sommes toujours sur la même trajectoire, et pourtant il s’est passé tant de choses durant les cinq années écoulées ! Elles ont été indéniablement bien plus difficiles que prévu. Nous étions très naïfs en nous lançant et ne mesurions pas l’écart qu’il y a entre mener un grand potager familial dans un projet d’autonomie alimentaire, et vivre du métier de maraîcher en produisant 12 mois sur 12 un nombre de paniers suffisant pour faire vivre une famille de 6 personnes (et oui, la famille s’est agrandie !). Nous nous sommes lancés dans l’aventure sans aucune formation agricole et avons dû faire à peu près toutes les erreurs possibles… C’est épuisant ! Faute de préparation, la belle aventure s’est souvent transformée en parcours du combattant et le rêve d’harmonie a été émaillé de bon nombre de moments de découragement et de scènes de ménage !
Mais nous avons survécu et notre naïveté a eu au moins un mérite : n’étant absolument pas formatés par le système agricole dominant, nous avons suivi notre cœur et mis toute notre énergie à chercher des pratiques agricoles qui nous plaisent vraiment, qui nous correspondent. Voyages, formations, lectures, recherches sur internet, rencontres, échanges nous ont menés à la permaculture et à d’autres influences, comme celle d’Eliot Coleman ou celle des anciens maraîchers du XIX°, que nous essayons de synthétiser.
Lorsque nous avons découvert la permaculture fin 2008 nous nous sommes engagés à fond dans cette voie, avec d’immenses satisfactions. Le jardin mandala, les îles-jardin et la food forest ont été réalisés dès le premier hiver ! N’est-ce pas une chance incroyable, après avoir passé tant d’années à l’école des peuples premiers, que de pouvoir utiliser, dans nos pratiques de paysans du XXI° siècle, des techniques qu’ils ont inventé depuis la nuit des temps, comme la forêt-jardin et la culture sur buttes ? Des solutions simples et naturelles qui peuvent changer en profondeur l’usage que nous faisons de la planète ?
Lorsque je vais avec mes enfants remplir des paniers de fruits et de baies dans la forêt-jardin, je retrouve quelques unes des impressions ressenties avec mes amis Wayanas lors de nos cueillettes en forêt amazonienne. Nous avons recréé autour de nous un îlot de fécondité qui nous nourrit. Quelque chose de vrai et de durable, qui procure un sentiment de sécurité et de bien-être, infiniment plus satisfaisant qu’un compte en banque bien garni.
«Lorsqu’un homme blanc meurt, il veut laisser de l’argent à ses enfants. Lorsqu’un Indien meurt, il veut leur laisser des arbres», a dit un Amérindien.
En engageant notre ferme dans la voie de la permaculture, nous étions loin de nous douter qu’en France très peu de fermes produisaient réellement en appliquant ses concepts. A l’étranger elles semblent rares également. Nous voulions rester discrets, faire nos preuves avant de nous exposer au regard des autres… Cela n’a pas vraiment marché ! Dès 2010 la ferme a été repérée par des personnes intéressées par une agriculture naturelle et par les médias, les sollicitations ont commencé à pleuvoir… Il a fallu dès lors faire le grand écart en permanence entre le métier de maraîcher, si prenant, nos expériences de terrain, toutes ces sollicitations et visites, la construction de l’éco-centre, la mise en place des formations et la vie de famille avec nos jeunes enfants …
Près de dix mille personnes sont venues visiter la ferme. A force d’entendre les retours très positifs exprimés par nombre d’agronomes et de spécialistes du potager sur la productivité de nos jardins – productivité qui n’était pas le résultat de nos compétences, car nous étions encore relativement débutants, ni d’une fertilité exceptionnelle du sol, puisque les conditions pédologiques sont plutôt défavorables – nous avons commencé à réaliser tout le potentiel d’une approche permaculturelle.
De tout cela sont nées les formations. Nous avions le désir d’explorer une agriculture capable de nourrir l’humanité sans détruire la planète. Ayant survécu à grand peine au parcours du combattant qu’a représenté l’installation comme paysans bio, nous voulions imaginer et proposer les formations que nous aurions rêvé de trouver en nous lançant… Faciliter le grand saut pour d’autres, favoriser l’émergence d’un nouveau type de fermes vraiment vertueuses d’un point de vue environnemental et sociétal. Les fermes et les paysans de demain ?
C’est une aventure d’équipe facilitée par les nouvelles technologies de communication. Nous avons eu l’immense bonheur d’accueillir dans notre ferme quelques uns des grands pionniers qui nous ont inspiré de leurs écrits : Philippe Desbrosses, Pierre Rabhi, Claude Aubert, Marc Dufumier… Toutes les personnalités sollicitées pour intervenir dans nos formations ont accepté, suscitant des journées d’enseignements et de partages passionnantes !
L’aventure ne fait que commencer. Rien n’est gagné et, dans un sens, la médiatisation de la ferme rend les choses plus difficiles. Mais par quel autre moyen faire avancer des concepts novateurs ?
Nous nous sentons encore tout proches du début. Tout ou presque reste à explorer. Mais nous sentons une attente de nos visiteurs, notamment de ceux venant des pays du Sud – ONG du Congo, paysanne bolivienne, permaculteurs cubains, ministre du Brésil s’occupant des Sans Terre… C’est souvent intimidant et disproportionné par rapport à notre mince parcours et notre absence de moyens, mais en réalité il ne s’agit pas d’inventer de nouvelles techniques – il n’y a probablement pas de vraies nouveautés en agriculture. Il s’agit plutôt de synthétiser, croiser des approches et des pratiques positives. D’où notre joie de débuter ce programme de recherche avec l’unité SADAPT de l’INRA et AgroParisTech, dirigée par François Léger qui nous apprend énormément. Cette étude, le regard des agronomes, les échanges avec un réseau de fermes expérimentales qui se met en place vont faire progresser notre recherche tout en donnant un fondement scientifique à ce qui n’a été jusqu’à présent qu’une démarche empirique.
Allier créativité et rigueur scientifique est peut être le secret ? Au Japon, Perrine a rencontré un mouvement d’agriculture naturelle, Shumeï, qui suggère que l’agriculture pourrait redevenir davantage qu’une somme de techniques : un art, faisant appel à la créativité humaine et prenant en compte toutes ses dimensions.
Bill Molisson et David Holmgren écrivaient, dans leur premier livre sur la permaculture : «Vous allez probablement dire que nous cherchons à recréer le jardin d’Eden… Et pourquoi pas ?»
Nous pensons en effet que la permaculture peut être le «nouveau logiciel» qui nous permettrait de transformer notre rapport à la Terre. L’agriculture occidentale est née au Néolithique dans les steppes d’Asie mineure et les plantes et animaux sur lesquels elle est fondée : graminées annuelles (céréales), bovins, ovins et caprins, sont des animaux de steppes. Cette agriculture n’a eu de cesse de transformer en espaces ouverts les forêts rencontrées dans son essor, causant parfois, dès la préhistoire, des désastres écologiques (elle a contribué à la désertification du Sahel notamment, et chez nous des plateaux calcaires du Languedoc). L’étape d’après la steppe, en effet, c’est le désert, et ce n’est pas un hasard que l’agriculture mécanisée moderne ait détruit en quelques décennies 30 % des terres arables de la planète. En France, les plateaux céréaliers au sol autrefois riches deviennent, sous l’impact de la mécanisation et des engrais de synthèse, des steppes puis des déserts vidés de leur matière organique. L’œil cherche en vain, dans ces tristes monocultures, un arbre, un oiseau…
La vision de la permaculture, à l’inverse, propose de remettre les arbres au cœur du système. Nous sommes persuadés que les arbres sauveront la planète. Nous pouvons créer autour de nos maisons, de nos villes et villages, des paysages comestibles fondés sur les arbres fruitiers et les plantes pérennes et faire évoluer notre alimentation en consommant moins de produits animaux, moins de céréales et davantage de fruits, notamment des fruits à coque. Ces paysages comestibles ressembleraient, toutes proportions gardées et adaptations effectuées, aux forêts jardinées et aux jardins clairières des régions tropicales. Les surfaces cultivées en céréales ou consacrées à l’élevage pourraient être menées en agroforesterie. Ces nouveaux usages de l’espace agricole auraient pour mérite de produire durablement des aliments de qualité, meilleurs pour notre santé que notre régime alimentaire actuel, tout en nécessitant peu ou pas de pétrole et d’intrants pour prospérer. Le potentiel des forêts cultivées, sous nos latitudes, reste largement à explorer du fait justement que depuis le Néolithique notre système agraire repose sur l’option inverse. Depuis dix mille ans nous sommes passés progressivement de la forêt à la steppe, faisons le chemin inverse ! Une agriculture davantage fondée sur les arbres et sur un sol vivant est bonne pour les hommes comme pour la Terre, génère sa fertilité, produit des éco-matériaux de construction, de la biomasse et du bois de chauffage, et guérit le climat en stockant du carbone dans les sols et les arbres.
L’un des principaux intérêts de la méthode de la Ferme du Bec Hellouin est qu’elle permet de produire davantage sur une surface réduite, libérant ainsi de l’espace agricole pour planter des arbres fruitiers et créer des réserves de biodiversité. Nous avons un rêve : voir nos pays se couvrir de jardins et de vastes forêts comestibles, créant un grand nombre d’emplois, améliorant l’état de santé et élevant le niveau de bonheur de nos contemporains.
Le changement de nos modes de production alimentaire pourrait contribuer à la nécessaire mutation de notre civilisation, la faisant passer d’une société énergivore et mondialisée, prédatrice et conquérante, fondée sur l’accumulation des richesses de la planète entre les mains d’une minorité, à une société solidaire, sobre, économe en énergie comme en ressources, mais assurant durablement à chacun les biens essentiels. Une économie fondée sur le sol est réelle et solide, à l’inverse de l’économie boursière actuelle, purement virtuelle.
Oui, il y a un lien entre la Terre et le bonheur des hommes. A notre niveau, l’un des bonheurs de notre vie de paysan est de sentir que ce métier, pratiqué sur un petit lopin de terre au fond d’une vallée normande, nous relie au Tout.«Think globally, act locally» recommandait Schumacher.«Faire partie de la solution plutôt que du problème», suggère Patrick Whitefield. Produire naturellement des aliments de qualité a un impact sur la santé, sur l’emploi, les paysages, la sécurité alimentaire, l’autonomie énergétique, la faim dans les pays du Sud, le réchauffement climatique… et sur le bien-être de ceux qui nous entourent. Trouver un sens à ce que l’on fait justifie bien quelques efforts !