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L'holacratie : et si on se passait des chefs ?
Briser la logique pyramidale pour établir un modèle égalitaire : c'est le pari de l'holacratie. Avec à la clé, la promesse d'une organisation efficace et d'un meilleur engagement.
Les start-up n'ont généralement pas froid aux yeux. Pourtant, cette fois, Zappos a surpris par son audace. Le 3 janvier, le pionnier de la vente de chaussures en ligne a annoncé la suppression de tous les postes de managers. Finie la ligne hiérarchique, terminés les titres ronflants. A la place, son fondateur Tony Hsieh entend installer une nouvelle organisation : l'holacratie.
Radicale et ambitieuse, l'idée a germé dans l'imaginaire fertile de trois dirigeants d'un éditeur de logiciels américain, Ternary Software, à la recherche d'un nouveau mode d'organisation. A force de tâtonnements, ils aboutissent à une formule satisfaisante qu'ils décident de partager. Nous sommes en 2007, l'holacratie est née et sa "constitution" est couchée sur papier
Passer de la pyramide aux cercles
"L'holacratie propose une nouvelle structure de gestion du pouvoir qui remplace le système pyramidal né avec le taylorisme", explique Bernard Marie Chiquet, converti de la première heure et désormais évangéliste de l'holacratie dans l'Hexagone avec son cabinet de conseil en organisation IGI Partners. Le pouvoir n'appartient plus à des chefs, qui se le transmettent en cascade. A la manière du corps humain ou d'une métropole, les organisations doivent pouvoir se passer d'un patron tout puissant censé tout régir.
Conséquence, au lieu d'un organigramme sur lequel on place des visages ("M. Durand, directeur commercial"), tout commence par la définition des rôles : prospecter des clients, concevoir le site web, entretenir la cafetière... Ce n'est que dans un deuxième temps que ces rôles sont attribués à des personnes. Chacun peut bien évidemment avoir en charge plusieurs rôles, même très différents. Dans sa petite entreprise qui applique les principes qu'elle défend, Bernard Marie Chiquet en cumule une trentaine ("probablement un peu trop", sourit-il).
Parallèlement, les services (et les chefs de service) disparaissent. Pour permettre le travail en commun, des "cercles" regroupent les rôles proches et partagent un même but (le cercle de la formation, celui de la communication...). Dans les grandes entreprises, plusieurs cercles peuvent se superposer. A la différence des structures en place presque partout, une même personne peut donc, dans ce modèle, appartenir à différents cercles.
L'adieu au chef
Cet éclatement des rôles permet de varier les plaisirs, mais pas seulement. D'abord, les talents s'exercent sur les missions sur lesquelles ils excellent. Ensuite, chacun est l'unique responsable de la mission qui lui a été confiée. On oublie le N+1 qui sait tout sur tout, à la fois expert métier, manager compréhensif, commercial redoutable, leader visionnaire, esprit créatif... Les rôles ne sont plus affectés à des postes ("le recrutement est assuré par le DRH"), l'autonomie et la responsabilité se retrouvent accessibles à tous.
Par ailleurs, grâce à l'absence de position établie, l'organisation devient évolutive. Lorsque des problèmes surgissent, les collaborateurs sont invités à proposer de nouveaux rôles. D'autres, devenus obsolètes, disparaissent.
"Si le management agile et le lean étaient des logiciels, l'holacractie serait un système d'exploitation"
Réactivité, efficacité, souplesse... Autant d'arguments qui évoquent d'autres théories du management, "lean" ou "agile" par exemple. Alors, l'holacratie ne serait-elle qu'une énième redite ? Pas du tout, répondent ses partisans, pour qui ce concept va beaucoup plus loin : il remet en cause l'organisation même de l'entreprise et non seulement les méthodes de travail. "Si le management agile, le lean, le coaching ou l'intelligence collective étaient des logiciels, l'holacractie serait un système d'exploitation", illustre Bernard Marie Chiquet. Sur le principe, rien n'empêche donc à une société holacratique d'adopter un management agile, les deux concepts ne se situent pas sur le même plan. L'holacratie fournit une règle du jeu, elle ne précise pas comment doit se dérouler la partie.
Changer les habitudes
Sur le papier, l'holacratie peut faire rêver. Mais le chemin de la transition est bien évidemment semé d'embûches. Principal barrage : la force des habitudes. "Il faut quatre à six mois pour acquérir de nouveaux réflexes, estime Bernard Marie Chiquet. La plupart du temps, cela se déroule sans problème, même si certaines personnes ne parviennent pas à avancer." Les plus rétifs au changement ? Les managers qui ne conçoivent pas perdre leur titre. Mais aussi certains salariés, complètement dépendants de la figure tutélaire du boss.
A priori, toutes les entreprise peuvent adapter l'holacratie, les grandes comme les petites, l'industrie comme les services, le secteur concurrentiel comme l'économie sociale. En France, les expériences vont d'un petit transporteur familial Antonutti Delmas à la chaîne d'ameublement Castorama. "Evidemment, cela reste plus facile dans les start-up, là où il n'y a pas encore d'habitudes solidement ancrées", concède Bernard Marie Chiquet.
Avec le coup d'éclat de Zappos, l'holacratie se retrouve sous les feux des projecteurs. Si cette expérience est couronnée de succès, elle pourrait bien fournir un argument de poids aux dirigeants fatigués des lourdeurs bureaucratiques comme aux salariés en quête d'autonomie professionnelle.
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